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24 février 2007 6 24 /02 /février /2007 11:47

Istanbul, 19 janvier 2007: Le jeune homme, un bonnet blanc vissé sur le front, déboucha au coin de la rue. Il attendait depuis quelques heures déjà, le portrait de sa cible en tête, perdu dans une ville qu’il ne connaissait pas, lui, le gamin paumé de Trabzon.

Après avoir risqué un bref coup d’œil devant lui, il dû reprendre son souffle, lever la tête, crisper sa main sur le canon de l’arme qu’on lui avait donné, et se jeter vers l’homme qui lui tournait le dos. Trois balles à bout portant. Une pour le cœur, une pour la gorge. Pour qu’il ne (se) batte plus, pour qu’il se taise… Pour qu’il arrête. Une pour la tête. De dos...

 

 

On ne tue pas un homme qui se bat. On l’abat, tout au plus.

Sur un trottoir, face contre terre.

« Tu as perdu ceux que tu aimais : tes enfants, tes petits-enfants. Tu as perdu ceux qui sont venus pour t’éliminer, tu as perdu mon étreinte… Mais tu n’as pas perdu ton pays »

Rakel était en larmes. Face à elle, une foule innombrable l’écoutait dire son homme, son mari, le père de ses enfants, son frère, la « moitié de mon âme » perdu. Une foule qui SAVAIT enfin et qui ne pourrait plus dire « on n’a pas vu mourir l’Arménien ! », une foule qui avait à l’esprit la mort en état de cause, en signification !

Un arménien était mort ; et son tueur avait rappelé aux médias mortifères qu’il était mort parce qu’il était ARMENIEN. Un mot…. Hier, une insulte ! Mais qui, aujourd’hui, revenait comme un drap blanc qui claque, maculé d’un sang qu’on ne voulait pas voir et que le vent soulève.

Non, Rakel, il n’avait effectivement pas perdu son pays : son pays[1] l’avait perdu. En faisant de lui un homme en sursis selon les lois en vigueur[2], son pays en avait fait un « traître »[3].

Mais il n’avait pas perdu son pays : sa Turquie à lui était là, dans la foule innombrable qui criait son nom et suivait son cercueil vers son dernier combat. Son pays, là, à cet instant-là, il l’avait au contraire gagné contre sa vie.

 

                                               Qui était Hrant Dink ?

Pour nous, arméniens de diaspora, il n’était pas grand-chose. Je le dis de façon à ce, qu’une bonne fois pour toute, on sache que nous n’avons aujourd’hui aucun droit de le récupérer pour nous et de se sentir dépossédé. Il n’était d’ailleurs pas arménien de diaspora.

Lui, habitait encore son pays. Parlait, pensait, écrivait sa langue. Lui, faisait partie d’un monde où le génocide ne s’était pas achevé, où on vivait encore par-delà le drame, où ce fatalisme propre à la diaspora était banni, redouté, condamné. Lui, combattait le génocide de l’intérieur. Lui, ne « mendiait pas »[4] pour qu’on LE reconnaisse. Et ne s’abaissait pas à répondre au bourreau qui lui disait : « Prouve-le »[5]. Lui, n’avait pas abdiqué face au drame ; car, contrairement à nous, il n’avait pas échoué à circonscrire le génocide[6]… Il était, par sa personne même, le symbole vivant que le génocide arménien ne s’était pas achevé : et il le prouvait chaque jour en criant sur tous les toits turcs qu’il était arménien[7]. Qu’il était le dernier intellectuel arménien de Bolis. Celui qui avait échappé à la rafle du 24 avril 1915[8].

Aujourd’hui, d’autres ont abdiqué  pour lui en le tuant, et en achevant ainsi le génocide arménien. En faisant de lui la dernière victime du génocide arménien. La dernière victime d’une chose qui, par son achèvement même à la face des Turcs, va créer l’électrochoc nécessaire à leur prise de conscience d’un drame auquel ils sont tous mêlés (avec nous). Orhan Pamuk ne dit-il pas : "Nous sommes tous responsables de sa mort d'une certaine façon" ?

Alors, qui était Dink ? Il était l’Arménien des Turcs. Dans le sens noble du terme.

Dink était celui qui leur prouverait sans leur dire qu’il y avait un jour eu un peuple là où ils étaient, et que ce peuple était encore là, dans une infime part, prêt à revivre dans son pays à leurs côtés. Dink était l’arménien des Orhan Pamuk, des Elif Shafak, des accusés de l’article 301 : c’est à eux qu’il appartenait, eux qui en étaient dépossédés aujourd’hui, et qui allaient continuer son combat. Tous ces Dink en devenir. Condamnés par la même loi et par la même menace[9].

Aujourd’hui, parce qu’il y a eu Dink, la Turquie est divisée en deux : ceux qui disent enfin « nous sommes tous responsables », et ceux qui disent toujours « nous sommes tous victimes ». Les uns sont descendus dans la rue et ont fait trembler les fondations pourries d’un Etat bâti sur un monceau de cadavres, faisant de leur geste un nouvel acte d’identité pour la Turquie , une nouvelle base pour un nouvel Etat (voulu par Dink). Les autres ont dit que « la volonté du tueur était de faire du mal à la Turquie»[10], oubliant sciemment (encore une fois) que le fait que l’assassin ait tué en pensant faire du BIEN à la Turquie était une réalité, et qu’il était du rôle de la Turquie de se demander pourquoi cette personne avait pensé de cette façon-là et qui lui avait mis ça dans la tête…

Deux pulsions contradictoires avaient fait sortir les uns dans la rue pour exiger un autre pays, et recroqueviller les autres dans leurs vieux faux acquis ; ces derniers reprenaient d’ailleurs le mot (très galvaudé) de « traître » pour nommer l’assassin, étant les mêmes qui, cela fait quelques mois, utilisaient le même terme pour désigner Dink[11].

                                                          Et nous…

Nous, à qui Dink n’appartenait pas, qu’avons-nous à faire ?

Notre seul rôle, aujourd’hui, est de crier qu’il est mort parce qu’il était arménien, et de le crier le plus fort possible pour que les Turcs l’entendent et "sachent".

Nous devons continuer notre combat aussi, sans fléchir. Parce qu’il est différent de celui de Dink, certes, mais la seule différence - fondamentale - réside dans le fait que nous avons perdu, et que notre fatalisme face au drame nous oblige à le faire reconnaître par tous pour ne pas qu’il s’oublie, jusqu’à ce que la Turquie prenne le drame sur elle.

Aussi, il y a autre chose que nous pouvons faire : sortir de notre condition de victime. Ce sera difficile, contre nature, carrément impossible, mais il faudra qu’on arrive un jour à nous dire que la perte de notre arménité n’est pas irrémédiable, qu’il ne tient qu’à nous de la reprendre en main. Qu’on se rende responsable de notre survie en même tant que de notre perte : pour que notre condition échappe à la volonté du bourreau.

Comme le disait Dink, il faudra qu’on survive[12].

Car, le jour où Dink aura réussit son combat, le jour où la Turquie sera devenu un autre pays, il faudra que nous soyons prêts à faire quelques chose dont on n’est pas capable, et qui d’ailleurs est impossible pour nous aujourd’hui (et pour cause) : nous réconcilier. 

Ce jour-là, nous aurons eu le droit de revenir chez nous[13], nous aurons repris notre destin d’Arméniens en main et l’auront renversé, nous aurons non seulement une langue, une culture, une pensée, mais elle revivra à travers nous au lieu de dépérir aux mains des assassins qui l’ont figée.

Ce jour-là, nous serons en paix avec nous-mêmes. Donc nous serons en paix avec les autres. Comme Dink était le dernier à l’être encore. Là-bas.

 

 

publié dans Haïastan de janvier-février 2007


 


[1] « Ce pays où je ne peux plus demeurer, où on ne veut pas de moi » (citation d’une interview de Dink à l’Associated Press).

[2] L’article 301 du code pénal turc l’avait condamné à six mois de prison avec sursis pour « insulte à l’identité turque » et d’autres procès étaient encore en cours en vue de commuer la peine en emprisonnement ferme.

[3] « Côtoyer les gens que l’on injurie, que l’on méprise serait lâche ; en tout cas totalement opposé à ma conception de l’honneur » (citation de Dink tiré de son dernier article).

[4] Citation d’une interview de 2005 accordée au quotidien gratuit 20 minutes.

[5] Il disait d’ailleurs dans la même interview à 20 minutes : « Si la Turquie reconnaît le génocide, qu’est-ce que cela signifiera ? Que le génocide va devenir une réalité ? Ce qui s’est passé s’est passé et cette réalité, en tant qu’arménien, je le porte sur mes épaules jusqu’à la fin de ma vie ».

Pour disséquer la mentalité diasporique face au drame et le paradoxe du témoignage, lire « La perversion historiographique. Une réflexion arménienne » du philosophe Marc Nichanian qui explique que « L’autorité du témoin réside dans sa capacité de parler uniquement au nom d’une incapacité de dire... » (G. Agamben (in Ce qui reste d’Auschwitz).

[6] « Je tentais d’autre part de parler de ceux qui sont restés, des survivants plutôt que de sacrifier à la commune habitude de ne parler des Arméniens qu’au travers de leur mort » (dit-il dans son dernier texte, paru dans Agos le 10 janvier 2007).

[7] Qui, en diaspora, aurait pu dire sans rougir : « je suis Arménien et citoyen de France et non Français » ? Lui, dans un pays où ce genre de déclarations est autrement risqué, disait : « Je ne suis pas Turc, mais citoyen de Turquie  et Arménien » (déclaration pour laquelle il était jugé à Urfa, ville où il l’avait faite en 2002).

[8] Le 24 avril 1915, à Constantinople (actuelle Istanbul), et dans les autres grandes villes, 762 intellectuels étaient simultanément arrêtés par les autorités turques, décapitant ainsi la communauté arménienne avant de la dépecer méthodiquement dans les mois qui suivirent.

[9] « Orhan Pamuk, soit perspicace, sois intelligent » a crié Yasin hayal, le commanditaire connu de l’assassinat de Dink, à l’entrée du tribunal d’Istanbul le 24 janvier 2007, menaçant le prix Nobel de littérature d’être le prochain sur la liste.

[10] Que ce soit le premier ministre Erdogan, celui des affaires étrangères Gül ou Mehmet Ali Birant, l’éditorialiste vedette de Hürriyet (ce dernier s’étant rattrapé par la suite en reprenant le slogan de l’autre partie des turcs)

[11] Le nouvel Etat voulu par les uns est d’ailleurs un Etat où on ne dirait plus de qui que ce soit qu’il est un « traître », ou un « ennemi » de la nation.

[12] Il disait par ailleurs qu’il y avait aujourd’hui une Arménie (pas la même, certes), et qu’une partie du combat à mener se trouvait aussi là-bas (cf. l’article « Voilà l’arménien »).

[13] « Nous gardons un œil sur ces terres » avait dit Dink.

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24 février 2007 6 24 /02 /février /2007 11:21

Hrant Dink, fils aîné de Gülvart[1] et Serkis Dink, surnommé Hashim le tailleur, est né à Malatya, en plein cœur du plateau anatolien, dans le quartier alevi de Cavusoglu.

A l’âge de 7 ans, le petit Hrant et ses deux jeunes frères, livrés à eux-mêmes suite à la séparation de leurs parents, quittent Malatya pour Istanbul. Les trois frères vont errer pendant trois jours dans la ville, avant d’être retrouvés et placés dans l’orphelinat arménien du quartier de Gedikpacha. Hrant y restera pendant dix ans et y rencontrera sa femme, Rakel, une arménienne kurdisée suite au génocide de 1915, à qui il apprendra l’arménien et le turc.

Nous sommes à l’époque difficile des attentas de l’ASALA[2], et le jeune Hrant, après des études universitaires de biologie et de philosophie, milite alors brièvement au parti communiste, alors interdit.

 

Il est d’ailleurs arrêté et torturé après le coup d’Etat du 12 septembre 1980[3], suite à un faisceau ténu de suspicions : un voyage à Beyrouth (alors fief de l’ASALA) de son frère, le mot "ermeni" inscrit sur sa carte d’identité, ses sympathies "gauchistes"… A partir de cette époque-là, il sera arrêté et interrogé à plusieurs reprises, son nom étant connu et fiché par les services de renseignement turcs. 

 

Avec sa femme, Dink s’occupe alors d’une école arménienne pour orphelins qui sera confisquée par l’Etat turc : cet évènement sera sa première expérience majeure en tant qu’arménien, marquant du même coup sa prise de conscience politique en tant que minoritaire dans un pays qui se dit homogène. Pendant son service militaire à l’infanterie de Denizli, Hrant tentera d’accéder, comme tous ces camarades, au grade de sergent : mais, malgré sa réussite à toutes les épreuves, le mot "ermeni" l’empêchera d’être considéré autrement que comme un sous-citoyen.

 

Puis vient la question kurde, une période sombre où « les arméniens de Turquie vivent dans la crainte, terrés chez eux ». Le terme arménien est alors une insulte, une ministre traitant par exemple le chef du PKK[4] de « sperme d’arménien ». Dans ces périodes troublées, Dink va développer une réflexion de conciliation visant à désenclaver les arméniens et ouvrir la société turque à ses minorités, qu’elles soient arménienne, kurde, alévie…

Un cheminement intellectuel qui aboutira à la création du quotidien AGOS, publié en turc et en arménien et distribué à terme à 6000 exemplaires. La tête de pont d’un combat, qui sera présente lorsque les intellectuels turcs commenceront à s’ouvrir à la question arménienne, et dont le but avoué est d’accompagner le travail de démocratisation de la société civile et politique turque.

Son combat culminera en septembre 2005, pendant la fameuse conférence universitaire d’Istanbul consacrée aux arméniens où la question du génocide est abordée sans tabous.

 

Sa mort, le 19 janvier 2007, n’est que l’aboutissement d’une vie vrillée en plein cœur d’un pays : La Turquie. Et qu’on a tenté –une dernière fois- d’extraire.



[1] "Gül" et "Vart" veulent dire tous les deux "rose". L’un est en turc, l’autre est en arménien.

[2] ASALA (armée secrète arménienne de libération de l’Arménie) : groupuscule terroriste qui a frappé, dans les années 70-80, les intérêts turcs à l’étranger en assassinant notamment certains de leurs représentants

[3] En référence au putch militaire en Turquie qui met un terme à une période d’instabilité politique et aux espoirs d’alternance démocratique de la gauche turque

[4] PKK : groupe terroriste indépendantiste kurde

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7 février 2007 3 07 /02 /février /2007 00:01

 

Luz Casal se tient avec emphase dans le halo de lumière dessiné autour du pied de son micro muet. Elle a les cheveux longs moulés dans les épaules, sur lesquelles glisse un châle vaporeux à poils turquoises. Elle chante sitôt son corps posé sur la scène, dans le geste de ses bras nus remontés sur ses hanches, glissant dans ses reins, se suspendant au-dessus de sa tête ; ponctuation physique d’une voix qui se creuse dans des accents profonds qui s’allongent, glissant à côté des notes une phrase décalée de sa partition, comme pour signifier la préséance de sa voix sur les sons. Elle retient une grâce peu commune entre ses dents, une grâce qui se laisse dévisager les yeux fermés.

Moi qui ne connais pas la plupart des paroles ; mais les comprends souvent, j’ai eu un « Un ano di amor »définitif ; et j’ai pleuré.

Ce soir-là, grâce à Luz Casal, j’ai détrempé mon corps transi des métastases de ma séparation. Et, dans la gorge de ma chanteuse préférée… Je me suis séché.

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2 février 2007 5 02 /02 /février /2007 17:24

 

 

 

 

La salle de cinéma est une fenêtre palliative sur le monde.

On y entre pour sortir de l’extérieur, et, une fois toute lumière bue par l’écran, on est déjà beaucoup trop loin pour être rattrapé par la réalité (à moins que le film ne nous y oblige).

La force des salles obscures est telle que le fauteuil à clapet est au cinéphile ce qu’un lit grinçant d’hôtel peut être aux amoureux : dans les deux cas, leurs équivalents domestiques (le divan et le lit conjugal) sont voué à demeurer à jamais, et cela malgré tous leurs efforts d’ergonomie ou de sophistication, comme des traîtres plus ou moins vendus à la réalité d’un monde dont ils sont (et dont nous sommes) les objets.

Le temps de quelques heures, assis sur ces fauteuils, nous nous rendons à la "vie des autres" ; tels des agents de la Stasi mis à notre propre compte émotionnel. Etant les spectateurs privilégiés d’un (autre) monde qu’on nous donne à voir. Un monde privé dont nous sommes le "public" (comme se définit lui-même l’agent Wiesler), les acteurs par procuration ; nous substituant dans l’écran qu’on regarde.

Pensant traquer des milieux parallèles crées par des artistes qui subvertissent son pays, l’agent Wiesler se prend petit à petit au jeu d’une autre vie, lui aussi.

Sa position de force, acquise au début par la conviction du réel, devient un leurre au fur et à mesure qu’il plonge dans le film de la vie des autres et s’identifie à eux (s’enthousiasmant d’une autre réussite que la sienne, par exemple).

Plus qu'une faiblesse, cette situation est l'aveu de tout spectateur qui se rend à l'œuvre qu'il regarde: un sentiment...  Ressentit aussi bien par l'agent Wiesler que par moi devant "La vie des autres".

 

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26 janvier 2007 5 26 /01 /janvier /2007 16:41

 

 

 

 

 

Dans un monde de victimes, le bourreau est roi. Nous nous sommes faits les observateurs impuissants des limites que nous nous étions fixés, démontrant ce pourquoi notre combat présent doit se poursuivre au-delà de la reconnaissance pour ne pas s’emmurer dans ses propres limites…Voilà le triste constat qui découle de ces derniers mois relatés ici sous forme de saillie ironique.

 

 

« Qu’est-ce que ça fait de ne plus être une victime ? »

Ce fut là la drôle de question un brin déroutante qui me vint instinctivement à l’esprit une fois débarrassé d’une amie française qui venait de me reprocher avec une véhémence rare l’entrain que j’avais mis à voir concrétisée la loi sur le négationnisme du génocide arménien. Cela faisait quelques jours que la loi était passée à l’assemblée nationale, et la joie que cette nouvelle m’avait procuré se dissipa soudainement à cet instant-là, me laissant le goût amer d’un petit quelques chose que je n’étais plus à présent, un petit quelques chose qui faisait partie de l’arménien que j’étais, qui m’avait fait me sentir un être différent des autres parce que porteur d’une condition – celle de victime – et d’une cause – celle de la reconnaissance de ma condition… Et qui laissait un énorme vide, à présent.

Moi qui avais toujours espéré que cette condition se décollerait de moi, et qui l’avais toujours refoulé, raillant la prostration de mémoire comme seul horizon de principe que s’infligent les arméniens de France depuis tant d’années… La communauté avait tout de même réussit à me rendre malade, moi aussi… J’avais été une victime ! Et je ne m’en rendais compte que maintenant, alors que je l’étais de moins en moins pour les autres.

 

Depuis quelques jours, en effet, les journalistes et les responsables politiques de haut rang s’étaient ligués dans les médias pour ne véhiculer qu’une seule pensée : « cette loi n’était pas une chose à faire… Les arméniens sont allés trop loinOn a embarrassé les turcs… ». On avait d’abord entendu, dans un rare consensus, les médias qui, la veille encore, égrenaient à coup de photos de crânes fracassés et de chiffres de morts les torts de l’Etat génocidaire s’opposer à la loi frontalement et sans concessions possibles. Comme si on les attaquait personnellement, comme s’ils défendaient un intérêt quelconque, un droit fondamental, comme s’ils n’avaient pas assez confiance en leurs convictions historiques et se demandaient avec effroi si – au cas où, hein ?- le jour où ils nieraient le génocide on les ferait payer devant un tribunal !

« Le Monde » se fendant d’un édito à charge, « Le Nouvel Obs » interviewant sans mise en garde préalable des historiens négationnistes (si, si, ça va ensemble) sur la question du génocide, « Euronews » berçant le désarroi de tout un pays blessé par la France, le Courrier International publiant les journaux turcs jusque dans sa chronique hebdo, avec, en marge de l’article mis en ligne, le lien internet du site Tête de turc, « le site des Amis de la Turquie, qui consacre de nombreuses pages aux « mensonges arméniens » » (alors qu’il est référencé comme site négationniste par Yahoo !) en vis-à-vis d’Imprescriptible, le site de référence consacré « au génocide et à sa négation ». Les deux sur le même plan ; par équité, objectivité, respect des parties en cause, etc.

On invoquait le nombre réduit des députés présents lors du vote – 1/5 du maximum autorisé- histoire de faire oublier que l’écrasante majorité avait voté pour. Et en omettant de dire que les niches parlementaires parvenaient rarement à en réunir autant.

On expliquait que le président avait essayé de réparer les dégâts, qu’il n’y avait rien à craindre, que les députés en cause étaient des vendus du lobby communautaire arménien, qu’ils n’avaient pas voté par conviction (réduisant le vote à un acte mesquin et sans intérêt républicain)…

Moi, la seule chose qui m’occupa vraiment par la suite fut la prise de conscience horrifiée que la grosse boîte du Pandore turc venait d’être ouverte par les médias français : les négationnistes, piqués au vif et blessés au plus profond de leur liberté chérie de nier avaient été invités à sortir du bois, à s’instituer victimes et à faire étalage de leur savoir-faire. Pour défendre la libre circulation des mauvaises pensées.

Nous qui, hier encore, aurions sauté sur les occasions de dénoncer chaque collusion entre un média et des négationnistes avions été tout d’abord débordés, puis désemparés, et enfin désarmés… Pire : dans le brouhaha des médias, notre voix ne portait plus du tout ! Nous étions victimes d’une extinction de voix consécutive à la gueule de bois contractée au lendemain du 12 octobre.

On n’avait plus à prendre soin de nous, à nous ménager. Nous ne méritions plus les égards dus à un peuple frappé d’injustice, parce que l’injustice avait été largement effacée ; tant et si bien que la mesure nécessaire au rendu de la justice avait été outrepassée. Du statut de victime, j’étais passé à celui d’agresseur. Un agresseur de mémoire qui obligeait, sous peine de séquestration et de prélèvement d’argent, à des gens qui ne m’avaient rien demandé, de ne pas penser à haute voix qu’il n’y avait pas de génocide, selon l’idée sacrée que la liberté fondamentale consistant à avoir le droit de mal penser était entamée, imputant l’Etat de droit par la même occasion.

Je me suis alors sentit coupable. Oui, coupable ! D’obliger des gens à ne pas dire le contraire de ce qui s’était passé. Non parce que ça m’aurait fait du mal, mais parce que ça leur faisait du mal.

Je ne suis plus une victime, donc. Ma communauté est arrivée au bout de son chemin. Dans quelques années, elle n’aura peut-être plus de combat à mener, puisque le sénat aura validé la loi. Et après ? Le vide, la culpabilité, la honte d’avoir abusé de la situation pour parvenir à ses fins en dépit du « bon sens commun » consistant à dire qu’il fallait tenir compte de la susceptibilité des autres, des tracas qu’on leur occasionnait, etc. Quel égoïste ai-je été, moi, l’arménien ! Moi qui n’ai pas pensé, dans le souci buté de me rendre justice, que ça aurait pu blesser le turc d’aujourd’hui (= innocent), gêné le français qui ne demandait rien, embarrassé une Europe soucieuse d’entente mutuelle, de relation durable, d’Amitié Eternelle…

 

Et pourquoi ça ? Parce que je ne me considérais que comme victime.

[publié par Haïastan déc-jan]

 

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26 janvier 2007 5 26 /01 /janvier /2007 16:29

La question de l’Histoire posée dans le cadre de l’actualité arménienne est d’autant plus prégnante que l’Histoire en elle-même n’est plus enseignée dans les écoles, ateliers et groupes culturels arméniens d’aujourd’hui. Au-delà du "folklore" et de 1915, et dans un contexte culturel pauvre, le jeune arménien n’a plus de repères clairs où asseoir son identité personnelle, s’en tenant souvent à un stéréotype de groupe censé lui indiquer ce que signifie être arménien. Dans quelle mesure l’apprentissage d’une identité s’assujettit-il dans le cadre d’un tout intemporel, d’un cheminement collectif qui se doit d’être su, et partagé ? En quoi un arménien s’empêche-t-il de tourner à vide lorsqu’il prend en compte, en toute singularité, ce qui a déjà été ? Autant de questions qui ramènent à une seule réplique : Et si les arméniens n’avaient plus d’Histoire ?

 

La culture en tant qu’incidence de l’Histoire

Et si…

Une histoire est un évènement qu’on se raconte. Une Histoire, de même, est un évènement qu’on se raconte; sauf que cet évènement a déjà eu lieu et a, par conséquence, eu une incidence sur la suite. Les peuples sont faits par l’Histoire. Ils ne tiennent même que par ça. Sinon, pourquoi la propagande, la négation, les légendes, les mythologies, et autres dérivatifs plus ou moins toxiques ou salvateurs destinés à manipuler l’Histoire ont-ils, de tous temps, été crées par les Hommes comme instruments de pouvoir sur le présent ?

Au-delà de l’Histoire, il y a la culture. Culture  : le mot est lancé. Voici donc le terme exact donné à cette "incidence" qu’a l’Histoire sur les personnes et dont les déclinaisons multiples (qu’elles soient sur le plan artistique, spirituel, intellectuel, etc.) sont les carburants d’un peuple, assurant son progrès de façon quasi irrémédiable. Car quel pouvoir est assez conséquent pour réduire à néant un peuple en pleine possession de ses moyens culturels ? Le pouvoir même d’anéantissement physique total n’est encore jamais parvenu à effacer les traces de peuples aussi menacés que les aborigènes ou les indiens d’Amérique !

En effet, s’il y a une seule chose au monde capable d’anéantir un peuple, elle ne passe pas par le corps, mais par l’esprit.

Tuez un arménien, et sa culture perdurera. Tuez sa culture, et l’arménien ne perdurera pas. Il ne mourra pas, certes ; mais il ne sera plus vivant en tant qu’arménien. Triste mais implacable constat…

 

Comment meurent les peuples…

Des langues se taisent chaque jour dans le monde, taisant les cultures qu’elles exprimaient et emportant les peuples par la même occasion, pour ne laisser qu’un individu dénué de toute identité ou, dans le meilleur des cas, perdu dans une identité majoritaire qu’il a fait sienne : ce processus est à l’origine du monde d’aujourd’hui (que certains aiment à nommer "individualiste") ; un monde d’individus qui perdent petit à petit leur dénominateur commun, leur matrice collective. « Il y a de plus en plus d’étrangers dans le monde » disait avec raison Desproges.

On aurait tendance à croire que ces choses-là ne frappent que les petits peuples en manque de rejetons : mais, encore une fois, cela n’a rien à voir avec une loi "physique" !

Sont-ce les barbares qui ont tué Rome ? Le déclin de l’empire romain a suivit un mécanisme bien plus complexe et bien plus antérieur, largement étudié et disséqué, qui démontre que les invasions barbares n’étaient que l’élément déclencheur, l’ultime coup de pouce donné à un immense château de cartes déjà bien entamé par le délitement culturel (dont une des étapes les plus importantes fut la propagation d’une religion étrangère, le christianisme, au détriment du rite polythéiste qui avait jusqu’alors été un générateur central de la culture romaine).

Demain, peut-être – du moins selon certains historiens déclinologues- l’empire américain subira un schéma similaire… Qui sait ?

Reste qu’il est du devoir d’un peuple de se préserver, sa culture chevillée au corps. Ou plutôt le corps chevillé à sa culture.

Qu’est-ce qu’un peuple sans Histoire ? 

C’est un peuple sans culture.

Prenons deux exemples très proches géographiquement, et pourtant très éloigné du point de vue qui nous intéresse ici : La Turquie et l’Iran.

L’Iran est l’émanation d’un peuple détenteur d’une culture millénaire enracinée dans le pays physique et indépendante de tout « artifice » nationaliste ou religieux. Le peuple iranien a une culture séculaire qui n’a pour base ni une religion, ni l’idée de nation. Il a d’ailleurs un passé religieux panthéiste et un pays multiculturel. Il en ressort une identité originale, propre au seul peuple iranien. Qui, tout en étant un sentiment d’appartenance inaliénable, n’a pas besoin, pour survivre, de rogner les autres identités. Puisqu’il n’a besoin ni d’une adhésion territoriale, ni d’une adhésion spirituelle des autres pour subsister. D’où une tolérance aux autres qui ne sont par conséquence pas perçu comme des menaces.

Le peuple turc, lui n’a pas d’Histoire. L’empire ottoman n’a laissé que peu de place en tant que culture spécifiquement turque, vite balayée par le kémalisme, et l’Histoire turque ne se résume dorénavant plus qu’au sentiment national et à un compteur qui pointe obstinément sur 1923 : voilà l’exemple type d’un peuple moderne obligé d’anéantir tout autre peuple présent dans son espace vital, afin de permettre cette forme bâtarde de culture qu’est la sienne et qui pourrait se résumer à la notion de "sentiment national".

En gros et pour finir cette rapide comparaison, si tous les iraniens et les turcs en venaient à mourir d’un jour à l’autre, resterait-il plus de trace turque ou iranienne ? Iranienne, assurément.

La culture peut survivre à son peuple. Et la ressusciter. Car il suffirait alors ne serait-ce que d’une seule personne de bonne volonté pour que celle-ci régénère.

À nous…  

C’est pourquoi, dans le contexte de survie dans lequel nous vivons depuis 90 ans, nous nous devons de porter une attention particulière à notre Histoire, et, par extension, à notre culture, sous peine de tuer notre peuple. Car il ne suffit plus pour nous de survivre, mais de nous faire survivre. Au-delà de nous.

[publié par Haïastan déc-jan]

 

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26 janvier 2007 5 26 /01 /janvier /2007 16:13

Son dernier livre, Neige, lui avait valu de nombreux prix littéraires en France et en Europe. Depuis, il a défrayé la chronique en levant le tabou du génocide arménien en Turquie et en plaidant la cause kurde… Avant de devenir le premier auteur turc prix Nobel de littérature.

Nous avons tenu à lui rendre hommage de la façon la plus juste possible : en critiquant son dernier chef d’œuvre. Une critique sous un angle résolument subjectif…

 

 

 

 

 

 

17 janvier 2006 : J’achève la lecture du livre d’Orhan Pamuk, et il se met à neiger.

Si, comme l’a écrit le poète de l’histoire, Kars est le bout du monde, le monde, lui, est un bout de Kars – me dit la neige.

Sa lecture me fut laborieuse. L’écriture de la traduction française, pesante, dont la seule unité artistique réside dans son manque de style, laisse l’impression de souvenirs vierges ramassés en histoire. Pourtant, l’attraction du livre, au fil des pages, est indéniable : c’est l’histoire qui tire le texte ; et nous avec.

Dans nombre de romans où une ville devient partie prenante de l’intrigue, c’est en tant que personnage à part entière qui vit par-delà le décor représenté. Ici, Kars est bien un personnage central de l’intrigue, mais c’est un personnage mort. La ville, enterrée dans la neige, n’est décrite qu’en défunt cadavre de mondes qui ne sont plus, empilés par strates, telle une neige oubliée- vierges. Cette absence sensible a une présence physique, comme une carcasse vidée de ses tripes. Déterminante, elle s’apparente à celle du style : la ville et les mots vides ne sont plus que les supports d’une vie qui les a déserté. Discordance révélatrice du désaccord du corps avec la vie.

Toute l’action relatée y atteint en conséquence une dimension surréelle ; jusqu’aux motivations paradoxales des personnages, mues par des inspirations soudaines qu’embourbent des atermoiements réfléchis (politiques, religieux, sociaux) dont la résonance actuelle jure avec le monde dépassé où tout se joue.

Kars est une racine sans tronc où de multitudes d’étrangers refont le monde. Et, le temps d’une tempête de neige, ce bout du monde se met en scène sous forme de Turquie miniature, entrechoquant entre elles chacune des composantes de ce peuple jeune, sans racines, aux prises avec la tension que lui procure son obstination à se caractériser ( nationaliste ? occidental ? islamiste ? européen ?)... Et à laquelle seul le poète, plein de cette identité individuelle propre à son art, ne souscrit pas.

[publié dans Haïastan de déc-janv, bimensuel arménien]

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19 janvier 2007 5 19 /01 /janvier /2007 15:55

Il vient d'être assassiné. Le journaliste Hrant Dink, chef de file de la nouvelle génération d'intellectuels arméniens de Turquie, a salement payé le prix de sa liberté... Aujourd'hui, tous les arméniens sont en deuil. Abdullah Gül, qui avait fait du génocide arménien sa deuxième plus grande priorité de politique étrangère après l'Irak, a le terrain rêvé pour débuter sa politique négationniste.

Hrant Dink est mort.

Mort.

Voilà l'arménien

Le 21/10/05, à la suite de sa conférence à Paris, où moi et des amis l'avions rencontré, j'avais écrit ce papier.

Hrant Dink était venu.

Cet intellectuel qu’on excusait presque, voilà quelques mois, d’être arménien de Turquie, tant ses propos (rapportés) s’inscrivaient en porte à faux avec le discours commun de la diaspora, fut accueillit en héros, avec la plus précieuse des décorations au veston : une condamnation à croupir dans les geôles turques, ce qui lui donnait le grand avantage de continuer personnellement le martyre de son peuple, un martyre sacré puisqu’il est, aujourd’hui plus que jamais, la seule clé de voûte de la cohésion diasporique autour de son identité*.

Il avait choisit de s’exprimer en dernier : il devait sûrement avoir la pratique de ce genre de réunions, qui se réduisent à des déclarations successives de notables de la pensée arménienne venus dire leur point de vue, à défaut d’être capables de le confronter.

Ainsi, Govcyian se fendit en un exposé didactique visant à expliquer le pourquoi de l’incompatibilité de cette Turquie avec l’Europe à un parterre qui le savait déjà trop.

Chaliand, lui, pensant sans doute être sur un plateau télé, tint à présenter son point de vue d’européen, dans un exposé intéressant mais hors de propos ici.

Enfin, ce fut au tour de Hrant Dink de parler, ce qu’il fit en arménien...

Cette particularité nous amena d’ailleurs, mes amis et moi, à nous demander s’il ne fallait pas obliger les Papazian, Toranian et autres à, une fois de temps en temps, s’exprimer en arménien, histoire de vérifier que l’arménien, permettant de dire les choses autrement, les rend diablement plus intéressantes. Car qui, parmi les bilingues présents dans la salle, n’a pas saisit la différence sensible qu’il y avait entre les propos bruts de Dink et leur traduction simultanée ?

Chaque langue a une manière bien à elle de renvoyer un propos ; selon l’éclairage qu’elle lui donne, il s’en trouve transfiguré. On pourrait ainsi s’expliquer, par exemple, le portrait tronqué qu’on retient habituellement, ici, de Hrant Dink...  

Bref.

Il tint d’abord les propos qu’on lui connaît habituellement, expliquant que son soutien à l’entrée de la Turquie était motivé par son souhait de détourner définitivement le pays où il vivait du nationalisme, et de lui donner toute la latitude d’une liberté indispensable à la minorité dont il faisait partie.

Il répondit, ensuite, sobrement aux accès de lyrisme de certaines personnalités présentes : pendant que l’une d’entre elles déclarait se mettre augustement sous ses ordres, une autre lui demandait d’avaliser la comparaison qu’il faisait entre Erdogan et Gorbatchev. Il s’attacha donc, sans reprendre la comparaison, à expliquer qu’Erdogan était actuellement la seule personnalité politique capable de faire avancer la Turquie vers l’UE, et cela pour deux grandes raisons : parce qu’il se trouvait en dehors de la chape nationaliste qui recouvre toute la scène politique classique turque, mais aussi, et surtout, parce qu’il y trouvait un intérêt particulier, ses efforts étant motivés par le bon espoir de son camp d’ouvrir, grâce aux libertés européennes acquises à terme, les institutions turques aux voiles et à la barbe (des kémalistes)...

Enfin, il en vint à parler des arméniens.

Il raconta d’abord l’histoire de cette vieille dame qui, chaque année, passait quelques mois à Sivas, la ville qui l’avait vu naître et qu’elle avait fuit en 1915. Elle y perdit d’ailleurs son dernier souffle. Un vieux musulman, après avoir recueillit sa dépouille, téléphona à Dink pour lui exposer la situation. Dink retrouva sa fille, en France, qui fit le voyage jusqu’à Sivas... C’est alors que Dink reçu un nouveau coup de téléphone de ce même musulman, qui, visiblement alarmé, lui expliqua que la fille refusait d’enterrer sa défunte mère à Sivas, et s’apprêtait à la ramener avec elle en France...

A travers cette parabole, qui pesa un instant sur l’auditoire attentif, le prophète Dink laissait poindre un message qui, dans la suite de ses propos, se fit de plus en plus pressant et limpide. 

Il expliqua ensuite ce qui allait  servir de nouvel alibi aux autorités turques pour lui coller un second procès (à venir) au cul : lors d’une interview accordée à un journal turc, le journaliste lui demanda à quoi il pensait, enfant, lorsqu’il scandait, le matin à l’école, les incantations d’usage : « je suis travailleur, je suis honnête, je suis turc ». Hrant Dink lui répondit, un brin goguenard, qu’il n’avait pas l’once d’un souvenir de ce qu’il pensait alors, mais qu’aujourd’hui, il se trouvait en effet qu’il était travailleur, honnête... et arménien. Bayts votch tourk, ayl tourkiatsi.

Les interviews lui réussissant visiblement assez, il en relata une autre, au cours de laquelle il avait affirmé : « nous, arméniens, atchk ounink ayn hoghéroun vera », ce à quoi le journal répondit en titrant : « La leçon de Hrant Dink : j’ai un oeil sur vos terres ! Eh bien, rentres-y bien ».

Enfin, visiblement fatigué, il tint quand même à rapporter son ressentit habituel, lorsqu’il participait à des conférences avec les arméniens du monde entier, à Yerevan, et que la salle des conférences, au lieu de vibrer dans une seule langue, prenait des airs de Babel moderne : « Qu’un peuple ne puisse plus s’exprimer dans sa langue est un fait dont la faute incombe à l’Etat turc » s’exclama-t-il en conclusion.

Le micro coupé, moi et mes amis ne résistâmes pas à l’envie irrésistible de lui poser notre question, et nous approchâmes de l’estrade, attendant qu’il en descende, dans une nuée d’arméniens empressés qui tenaient ab-so-lu-ment à lui signifier leur enthousiasme et leurs remerciement : je m’approchai alors de lui, et l’interpellai en son arménien : «  Baron Dink, dzér gartzikov, nor haygagan sérme gerna norén poussnil hin hay hoghéroun vera ? »

Il me prit la tête dans une main et, collant sa bouche contre mon oreille, répondit, dans un ton de fausse confidence : « AYO ».

* Cette clé de voûte est amenée à être brisée dès lors que le génocide sera reconnu, précipitant la disparition irrémédiable de la diaspora par effritement progressif.

 

 

 

 

C’est devant une salle comble que s’est tenu jeudi 20 octobre à la mairie du 9e arrondissement de Paris le meeting de l’Association des amis des NAM sur le thème : "Que voulons-nous de la Turquie". Hrant Dink, Gérard Chaliand, Alexis Govicyan et Ara Toranian ont pris part aux débats, animés par Isabelle Kortian. La discussion s’est engagée avec la salle après que les chroniqueurs des NAM, René Dzagoyan, Denis Donikian, Michel Marian, auxquels s’était joint Gaïdz Minassian eurent posé leurs questions à l’invité principal, Hrant Dink, qui avait fait le voyage d’Istanbul pour assister à la soirée.

http://www.armenews.com/article.php3?id_article=19526
 
 
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6 janvier 2007 6 06 /01 /janvier /2007 16:31

L’année 2007 verra l’arrivée ou la suite des meilleures séries américaines du moment. Celles-ci n’ont jamais été aussi abouties, novatrices, divertissantes et hauts de gamme. Voici en avant-première une sélection de ce qui vous attend cette année et que j’ai vu en VO au fur et à mesure de leur sortie aux states

 

Alors que Paris Première commence sa diffusion lundi 1er janvier 2007, la très attendue saison 4 de nip/tuck semble tenir ses promesses et relancer une série complètement plombée par une saison 3 qui s’était révélée médiocre (d’ailleurs, les téléspectateurs ne s’y étaient pas trompé). Avec, en bonus, une remarquable apparition de notre Catherine Deneuve nationale en veuve déjantée et les belles performances du J.R de Dallas dans un rôle de composition…

Je préviens tout de suite tous les étudiants qui pensaient compter sur le déclin de leur série préférée pour décrocher une bonne fois pour toute et passer leurs exams sans se prendre la tête pour le cabinet de chirurgie plastique des associés McNamara/Troy… Vous allez devoir prendre votre mal en patience et vous remettre à fréquenter le dealer cathodique: cette saison, c’est plus du coupé. C’est de la pure.

Petit rappel : la saison 3, un ramassis de petites histoires provocs jouant sur le tableau bien établit du triptyque patients farfelus/vie de couple merdique/aventures sexuelles, tenait plus de la bonne vieille popote qu'on reprend à chaque dîner en changeant juste quelques légumes, le tout variant selon l’humeur ou l’inspiration de scénaristes qu’on s’imaginait facilement comme des fonctionnaires de série chargés de remplir chaque semaine le même moule.

A croire que les scénaristes ont aussi mal digérés leurs baisses d'audience que nous (perso, je me forçais presque à regarder vers la fin).

Là, on n'a plus de petits sacs de nœuds qui se délient en moins de deux ou qui traînent dans un coin pour que, des fois, on s'y prenne les pieds. On a de vraies grosses cordes d'intrigues qui vous nouent là où ça fait mal et révèlent la densité nouvelle de nos personnages, parvenant même à nous rendre Troy amoureux.

Mc Namara parviendra-t-il à surmonter la perspective d’un fils handicapé et préserver son couple ? Nos associés se sépareront-ils à la fin de la saison ? Sortiront-ils indemnes de l’affaire de trafic de reins aux ramifications monstrueuses dans lequel leur cabinet va se trouver directement impliqué ?

Ne comptez pas sur moi pour vous révéler quoi que ce soit …

 

 

Après une saison 1 trépidante pendant laquelle Scofield met en pratique son plan pour faire évader son frère condamné à mort pour le meurtre du frère de la vice-présidente des Etats-Unis de la prison de Fox River, la série prend le large à travers les sentiers battus de La Grande Evasion avec, en ligne de mire, la frontière mexicaine et le butin caché d’un taulard mort…  Bientôt sur M6!

Si on vous dit que face au succès de la saison 1, les scénaristes ont décidé d’allonger la série et de rajouter une saison 3 et 4, vous pensez à quoi ? Au fait que l’histoire risque de tirer en longueur… Et vous aurez raison !

Le but de la saison 1 était de sortir des murs de la prison ; et le système « 24 heures chrono », fait de rebondissements et mini suspens à répétition, avait fonctionné à plein, faisant évoluer les efforts de Scofield et de ses acolytes de façon à nous laisser tout le temps à charge de suite, en haleine permanente. La saison 2 embraye donc dans la foulée, suivant chacun des évadés en herbe dans une course poursuite devant l’inspecteur ombrageux et pas très net chargé de les rattraper, un sosie de Clint Eastwood dénommé Mahone et très bien campé par William Fichtner qui donne une densité d’ombre intéressante à la série. Dans un même temps, le fameux complot dont le frère de Scofield est l’épouvantail se développe enfin, faisant prendre la mesure des ramifications de "l’Affaire". Mais au milieu de la série, alors que le butin est pris (mais par qui?) et que l’évasion est à deux doigts de réussir, les rebondissements dans un sens puis dans un autre prennent un tour invraisemblable, laissant penser que les scénaristes ont changé de cahier des charges et qu’il doivent à tout prix faire durer l’histoire sans égard pour le fil de la narration générale. Le suspens devient alors un peu fade, un peu trop tiré, exagéré… Jusqu’au 13ème épisode où un retournement ultime laisse présager la fin de ce ventre mou de mi-parcours. Espérons seulement que ce genre de baisse de régime ne se multiplie pas par la suite, devenant le symptôme d’une série qui veut durer au détriment de sa qualité narrative et de la force de son intrigue.

 

 

Partout dans le monde, une poignée de personnes ordinaires se retrouvent chacun avec un pouvoir hors du commun différent : télépathie, téléportation dans le temps, capacité de voler, de traverser les murs, d’être invincible… Ils ne savent pas ce qui leur arrive, à quoi ils sont amenés à faire face, pourquoi ils sont différents et vont tenter de percer le secret qui semble les lier tous. Un speach SF pour une série très réaliste, haut de gamme, intrigante et assez familiale. Le succès de l’été prochain sur TF1.

La saison 1 de cette série très originale est un énorme succès sur la chaîne Fox news depuis l’automne dernier. Et pour cause ! Il est mon coup de cœur de la saison 2007 et une forme très aboutie de divertissement intelligent : une intrigue un peu fantastique mise en scène de façon réaliste dans un monde actuel, avec des personnages à peu près comme vous et moi (une pom-pom girl, un candidat à la mairie de New York, un employé de bureau de Tokyo, un peintre héroïnomane), une narration sans accros et très fluide puisqu’elle est écrite à l’avance et d’une traite : les producteurs de la série ont promis que l’intrigue serait résolue à la fin de la saison 2 ! On sait quand ça finit, ce qui permet à la série de passer un contrat avec le spectateur qui ne se sentira pas floué par la suite, le décidant à suivre ainsi la série du début à la fin.

On a là une série mature, un package déjà ficelé à la base, avec une musique de générique collant complètement à l’esprit, des personnages auxquels on pourra s’attacher sachant que ce sont eux les héros (le titre de la série est assez explicite)[cf.Hiro Nakamura, le "héros" le plus attachant], sans petits arrangements faits dans notre dos et dans celle de la qualité, avec, en prime, une atmosphère originale. Ainsi qu’une intrigue qui n’a pas besoin d’être coupé en fin d’épisode pour nous tenir en haleine jusqu’à la semaine suivante : un degré de maturité plus élevé que 24 heures chrono ou Prison break, donc.

Ici, c’est l’histoire qui nous prend, et non les péripéties; c’est pourquoi, dès le premier épisode, on peut dire si on va aimer (ou non) toute la série.

Un exemple : alors que d’un épisode à l’autre on a oublié le dernier sursaut de l’intrigue d’un Prison break, on peut rester des mois sans oublier à quel moment de l’histoire de Heroes on se trouve. Il y a une cohérence en béton.

 

Ce qui pourrait faire dire à certains que Heroes n’est pas une série dans le sens strict du terme. Moi je dirais plutôt que ce n’est pas une série comme les autres.

 

 

 

 

 

Une équipe de jeunes étudiants internes en chirurgie se frottent professionnellement et sentimentalement à leurs aînés dans un hôpital réputé de Seattle… TF1 en est déjà à la 3ème saison, prévue pour septembre 2007, d’une série qui n’accuse pas de baisse de forme et a l’air de vouloir faire long feu, à l’instar du plébiscite des téléspectateurs et d’une probable arrivée en prime time.

 

 

 

 

 

 

 Grey’s, la version édulcorée d’Urgences ? Rien de plus faux pour une comparaison qui n’a pas vraiment lieu d’être, puisque cette nouvelle série ne s’intéresse vraiment aux malades et à leurs tracas de santé que comme faire-valoirs aux véritables problèmes qui rythment ces histoires (aux mœurs) légères : celles, de cœur, d’un groupe de tout juste trentenaires arrivant à un âge où leur envie balance entre ce qui leur est encore possible (mais plus pour longtemps) et leur besoin quasi obsessionnel de relation durable, de peur d’un vide affectif très caractéristique pour cet âge charnière. L’hôpital est juste un décor comme un autre, donc, et les internes en chirurgie des cas très typiques de la crise de la trentaine puisqu’ils sortent tout juste d’une dizaine d’année d’études et du giron familial. Leur confrontation aux (jeunes) dieux  de la chirurgie de l’hôpital n’est donc pas cantonnée à un échange strictement professionnel : d’ailleurs, les acteurs ont les gueules de l’emploi (play-boy élégant, blonde incendiaire, séducteur cruel et cassandre évaporée pour l’héroïne éponyme de la série, Meredith Grey).

Une série en découpage classique type séries adolescentes avec un scénario bien plus amélioré pour séduire tout autant les adultes que les petites jeunes de 15-16 ans : de quoi créer une autre génération d’aspirant médecins plus glamours (après celle d’Urgences qui se voyait en super héros en blouse blanche) pour qui la blouse serait plus faite pour être enlevée que pour être salie. Et renouveler le phantasme de la blouse blanche !

 

 

 

Une suburbs dorée post rêve américain : voici le personnage principal de la plus surprenante série à succès de 2006 qui met en scène ses propres spectatrices, les ménagères de la nouvelle middle class américaine. Il est bien loin le temps des Dallas et des Feux de l’amour… A suivre, la saison 3 sur Canal + à la rentrée prochaine.

 

 

 

 

On n’avait jusqu’à présent qu’un seul exemple de série traitant de la famille américaine : Six Feet Under, un des précurseurs de la "nouvelle vague" qui relatait les tracas quotidiens d’une famille de croques morts terrés dans le spleen de la banlieue américaine des années 90. Depuis, la guerre en Irak et les stock-options sont passés par là. Et la banlieue version 2006 telle qu’elle est décrite dans Desperate Houswives, avec ses pavillons neufs et ses 4X4 Hummer, n’a vraiment plus rien à voir : on y croise une divorcée dépressive et sa fille, une femme d’intérieur républicaine ratée et sans états d’âme, une mère de famille multifonction et une ex-mannequin devenue vamp sexy… Dont les seuls points communs sont la rue dans laquelle elles passent leur journée et l’amitié qui les lie. Ainsi, d’une série à l’autre, la suburbs est passées du statut de trou perdu à celui de quartier clean où échoue tout ce qui reste du rêve américain : le pétrole, la bouffe, les prestations de service, les émissions du Super Bowl et les devises de l’empire américain. Le ton du scénario, qui se voudrait ironique, persiste dans le premier degré d’une intrigue légère et rythmée racontant la vie sentimentale, familiale, professionnelle de ces quelques femmes attachantes et caricaturales aux caractéristiques et aux rêves de réussite très différentes. Dit comme ça, ça n’a rien de très palpitant… Et pourtant : Desperate Houswives a été présenté dès sa sortie outre atlantique comme un phénomène de société, Laura Bush elle-même en faisant l’apologie. Cette saison 3, elle, établit la série une fois l’engouement médiatique retombée, démontrant que celle-ci a su  garder son public et rehausser un niveau quelques peu  entamé pendant la saison 2 en arrêtant d’insister aussi lourdement sur les histoires de cœur de nos femmes au foyer désespérées pour leur accorder un libre arbitre plus étendu et diversifié (entre braquage au supermarché, menace pédophile et complot matrimonial)…

 

 

 

 

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6 janvier 2007 6 06 /01 /janvier /2007 12:51

Faut-il tuer James Bond ? Le fait que Jean Dujardin ait été, dans le drôlissime OSS117, plus proche de l’esprit Bond que l’officiel Casino Royale de l’iconoclaste Daniel Craig signifie-t-il que le héros est mort ? Dilemme cornélien pour un fan comme moi qui ne saurait se rallier à Craig sans renier Connery…

 

 

 

 

 

 

 

Je suis le prototype type du vieux fan de James Bond : ayant vu chacun d’entre eux au moins deux fois, vers l’âge de 12-13 ans pour la plupart ; j’adule Sean Connery, me tâte sur le George Lazenby (bien qu’amoureux de Diana Rigg), ris jaune ou m’amuse (selon les opus) pendant les Roger Moore, conspue les Timothy Dalton, estime plus ou moins les Pierce Brosnan (surtout son Goldeneye, qui restera dans la légende comme la gente chromée de la roue de secours qui avait permise à Bond de se remettre en selle), et place en haut de pile (et dans l’ordre) « On ne vit que deux fois », « Bons baisers de Russie » et « Goldfinger ». Je suis, ce qui ne gâche rien, un inconditionnel de Remington Steele et de Chapeau melon et bottes de cuir (étant le seul mec de 20 ans à veiller jusqu’à minuit pour suivre John Steed et Emma Peele sur TVbreizh, la chaîne de toutes les bonnes maisons de retraite), et ma seule lacune est de n’avoir jamais osé regarder « Jamais plus jamais », le pastiche tardif d’un Sean Connery sur le retour (par peur d’égratigner le mythe)…

A un tel point que je considère l’agent secret "so british" comme le précurseur de ce cinéma d'action américain qui a fait l’ère du blockbuster il y a bien longtemps maintenant…

 

Souvenez-vous : Hollywood avait alors ses acteurs fétiches, ses séries mythiques, ses codes particuliers. La mode en était encore aux courses poursuites infernales, aux méchants charismatiques, aux héros réchappés de tout (avec ou sans égratignures), aux blondes en détresse et à un certain humour à explosion, assené entre deux détonations bien senties.

Aujourd’hui, il ne reste de tout ça que quelques trop rares réalisateurs (Michael Mann, Steven Soderbergh, …) qui, pas bêtes, se sont réappropriés le genre au singulier pour pas être entraînés dans le déclin du genre... Ainsi qu’un film, culte, " Le Saint" de Val Kilmer, un bide commercial qui est accessoirement le premier (et dernier) faux James Bond que moi et mon frère avions jusqu’à présent vu (et aimé) dans les salles obscures… Avant Casino Royale.

Casino Royale : deux ans avant sa sortie, le minois nerveux et blond de Daniel Craig avait mis en branle la cabale des fans, horrifiés de voir un physique aussi inapte au costard reprendre leur héros. Les premiers échos du tournage faisaient état, eux aussi, d’infos alarmantes : les cascades se révélaient éprouvantes, Craig s’était blessé, certaines photos du film le montraient barbouillé de suie et de sang dans une chemisette sale et déchirée tout juste digne d’un transfuge raté de la CIA des années 80 sur fond d’explosion ramboesque : l’hémoglobine semblait s’imposer comme un personnage à part entière dans un film qu’on disait plus violent que tous les autres.

Quid du flegmatique agent secret immaculé, du grand brun viril et poilu, des meurtres ne nécessitant pas de pressing ? Quid de l’alter ego anglais d’OSS 117, qui venait de renouveler avantageusement un ratage français des années 60 sur le même thème en en devenant le film le plus drôle de l’année ?

 

Je n’ai pas eu confiance, alors je suis allé voir. Presque religieusement, je me suis assis, seul, dans un cinéma bondé. J’allais enfin voir un James Bond au cinéma… Ou assister à sa mort programmée.

Etait-ce un James Bond ? Je ne sais pas. Peut-être le nouveau James Bond, "celui du 21ème siècle" (sic.)… Un James Bond brut et violent au début, sans états d’âme, sans fioriture, sans élégance de circonstance. Un James Bond amoureux et faible à la fin, sentimental et brisé. Deux images antagonistes et pourtant aux antipodes de notre héros classique. Mais deux images crédibles, parce que l’intrigue le permettait et que l’acteur était bon.

On assistait donc à la genèse du héros transfiguré. Parce que Bond avait été un homme, et ce film allait nous le démontrer. Nous expliquant ensuite le pourquoi du James Bond froid et distancié qu’on connaît tous, tuant et couchant proprement et sans états d’âme mal placé (ce qui, dans les deux cas, est irréalisable dans la vraie vie).

Casino Royale : le premier des romans de Ian Fleming pour le dernier film d’un héros qui n’avait jamais été aussi éloigné du mythe ; ni aussi proche du personnage de romans que personne n’a jamais lu.

Pourtant, aucune des critiques faites au film n’étaient en fin de compte injustifiées ! Le nouveau ne tenait pas beaucoup à son costard qui le lui rendait bien, sortait de l’eau dans un corps bodybuildé et inesthétique, se faisait torturer, entièrement nu et impuissant, à coup de gourdin dans les testicules… Mais était-ce bien des critiques ?

 

Le film est depuis devenu le plus grand succès de la série, et avec raison. Martin Campbell, vétéran de la résurrection de James Bond avec Goldeneye (suite aux désastreux Timothy Dalton), à refait des siennes en remettant sur selle une franchise en papier trop glacé, presque dix ans après son premier sauvetage.

James Bond est-il pour autant immortel ? Qui sait… Comme le dit le titre du meilleur opus de la série : "On ne vit que deux fois"! A charge, pour les scénaristes des prochains, de ne pas nous user celui-là.

 

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