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26 janvier 2007 5 26 /01 /janvier /2007 16:13

Son dernier livre, Neige, lui avait valu de nombreux prix littéraires en France et en Europe. Depuis, il a défrayé la chronique en levant le tabou du génocide arménien en Turquie et en plaidant la cause kurde… Avant de devenir le premier auteur turc prix Nobel de littérature.

Nous avons tenu à lui rendre hommage de la façon la plus juste possible : en critiquant son dernier chef d’œuvre. Une critique sous un angle résolument subjectif…

 

 

 

 

 

 

17 janvier 2006 : J’achève la lecture du livre d’Orhan Pamuk, et il se met à neiger.

Si, comme l’a écrit le poète de l’histoire, Kars est le bout du monde, le monde, lui, est un bout de Kars – me dit la neige.

Sa lecture me fut laborieuse. L’écriture de la traduction française, pesante, dont la seule unité artistique réside dans son manque de style, laisse l’impression de souvenirs vierges ramassés en histoire. Pourtant, l’attraction du livre, au fil des pages, est indéniable : c’est l’histoire qui tire le texte ; et nous avec.

Dans nombre de romans où une ville devient partie prenante de l’intrigue, c’est en tant que personnage à part entière qui vit par-delà le décor représenté. Ici, Kars est bien un personnage central de l’intrigue, mais c’est un personnage mort. La ville, enterrée dans la neige, n’est décrite qu’en défunt cadavre de mondes qui ne sont plus, empilés par strates, telle une neige oubliée- vierges. Cette absence sensible a une présence physique, comme une carcasse vidée de ses tripes. Déterminante, elle s’apparente à celle du style : la ville et les mots vides ne sont plus que les supports d’une vie qui les a déserté. Discordance révélatrice du désaccord du corps avec la vie.

Toute l’action relatée y atteint en conséquence une dimension surréelle ; jusqu’aux motivations paradoxales des personnages, mues par des inspirations soudaines qu’embourbent des atermoiements réfléchis (politiques, religieux, sociaux) dont la résonance actuelle jure avec le monde dépassé où tout se joue.

Kars est une racine sans tronc où de multitudes d’étrangers refont le monde. Et, le temps d’une tempête de neige, ce bout du monde se met en scène sous forme de Turquie miniature, entrechoquant entre elles chacune des composantes de ce peuple jeune, sans racines, aux prises avec la tension que lui procure son obstination à se caractériser ( nationaliste ? occidental ? islamiste ? européen ?)... Et à laquelle seul le poète, plein de cette identité individuelle propre à son art, ne souscrit pas.

[publié dans Haïastan de déc-janv, bimensuel arménien]

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